Biographie – Quelques Dates
ROBERT DE MONTESQUIOU
QUELQUES DATES
Par Gérald Duchemin, préfacier du recueil DU SNOBISME par Robert de Montesquiou (Prix des Amis de Robert de Montesquiou 2022, Editions Le Chat Rouge, 2022)
1855 (7 mars). Naissance de Robert de Montesquiou-Fezensac, quatrième et dernier enfant de Pauline Duraux et du comte Thierry de Montesquiou. Il est moins éduqué par ses parents que par ses grands-parents… Il est un descendant de D’Artagnan, qui n’est pas qu’un personnage des Trois Mousquetaires de Dumas…
1867-1869. Il étudie au lycée Bonaparte (devenu depuis lycée Condorcet). Il rencontre Charles Haas (dandy qui servira à Proust de modèle pour bâtir son personnage Swann). Robert de Montesquiou lit Balzac avec passion, mais aussi Stendhal, Gautier, Hugo.
1873. Trop mince, il est déclaré inapte au service militaire.
1875. Il rencontre Barbey d’Aurevilly chez la baronne de Poilly, mais il n’a pas su l’aborder. Il est resté en retrait. Il fait surtout la connaissance de Judith Gautier (1845-1917), la fille de Théophile. Cette femme géniale, lettrée, écrivaine, est folle des arts asiatiques. Elle les fait découvrir à Robert de Montesquiou, ravi et marqué à vie par une telle initiation. On dit qu’il aurait eu une histoire amoureuse, enfin une histoire d’un soir, avec Judith. Et qu’il en serait tombé malade physiquement.
1878. Sa cousine, Elisabeth Caraman-Chimay, épouse le richissime comte Greffulhe. Grande amitié avec cette cousine. Ils s’adorent. La vie mondaine de Robert prend de l’ampleur. Il séduit par son physique avantageux, sa prestance de dandy, et, déjà, ses bons mots, et son incroyable culture font mouche dans les meilleurs salons de Paris. Les mondanités ne lui suffisent pas : « Je commençai d’aimer la poésie, la vraie, de cet amour exclusif, passionné, presque douloureux, déjà combatif, qui devait dominer ma vie. » (Les Pas effacés).
1880. Il soutient le peintre Paul-César Helleu, et Verlaine. Son mécénat ne fait que commencer. Il rencontre Edmond de Goncourt, lequel écrit dans son Journal : « Un toqué, un détraqué littéraire, doué de la suprême distinction des races aristocratiques… Un tarabiscoté distingué qui pourrait bien avoir un vrai talent littéraire ». Amitié avec Mallarmé.
1883. Il s’installe quai d’Orsay, puis à Passy. Il ne vit que dans les quartiers les plus chics de Paris.
1884. Publication d’A rebours, roman de Huysmans. Le personnage des Esseintes est directement inventé à partir des goûts et couleurs du comte. Robert de Montesquiou, dont le Tout-Paris rapporte les excentricités, et les raffinements, se voit traduit, reproduit, mais aussi déformé, trahi, enlaidi de vices qui ne sont pas les siens, par Huysmans. Par exemple, Robert de Montesquiou, mondain notoire, est le contraire d’un misanthrope… Le comte, en cette période où le décadentisme littéraire rivalise avec le naturalisme de Zola, se passionne pour le spiritisme d’Allan Kardec. Il voyage à Londres. Il rencontre William Morris, Henry James, et surtout le peintre Whistler.
1885. Rencontre avec Gabriel de Yturri, Argentin. Ce dernier devient son secrétaire, son ami, son confident. Leur couple gay est très officieux… Montesquiou l’emmène avec lui en Italie et, plus tard, en Afrique du Nord (1891).
1888. Nouveau séjour à Londres. Il côtoie Whistler. En 1891, le peintre fera son portrait, Arrangement in black and gold, Comte de Montesquiou-Fezensac.
1892. Rencontre avec Gallé (Emile), ébéniste, verrier et céramiste. Montesquiou lui commande une commode décorée d’hortensias ainsi qu’une psyché à marqueterie de glycines. Il visite le salon des Rose-croix. Boldini le peintre devient un ami. Enfin, et peut-être surtout, il publie son tout premier livre, Les Chauves-souris, un recueil de poèmes. Le livre sidère par le luxe de son édition. Inséré dans une boîte enveloppée de soie, imprimé sur papier de Chine, l’ouvrage est réservé à quelques Happy few bien entendu. C’est dans ce recueil, en son prélude, qu’un vers dit : Je suis le souverain des choses transitoires. La poésie du comte rappelle celle de Théophile Gautier, en plus précieux encore, avec des audaces et des fantaisies qui agacent ou envoûtent.
1893. Dans le salon littéraire de Madeleine Lemaire, il rencontre le tout jeune Marcel Proust. En signe d’amitié, il lui envoie une photo dédicacée où est écrit : « Je suis le souverain des choses transitoires. »
1894. Il s’installe à Versailles. Il donne une fête en l’honneur de Sarah Bernhardt. Proust vient accompagné du jeune et beau Léon Delafosse (pianiste).
1895. Il publie Les Perles rouges (poèmes). Grâce à Proust, il rencontre Anatole France et le compositeur Reynaldo Hahn. Proust ne cesse de le harceler sur les us et coutumes du Grand Monde. C’est par Montesquiou que Proust s’informe. Et l’information est de première main.
1896. Mort de Verlaine, poète qu’il admirait et dont il était un des mécènes. Parution des Hortensias bleus. La Critique ricane de ses poèmes précieux.
1897. Duel avec l’écrivain Henri de Régnier. Giovanni Boldini peint son portrait, qui deviendra célèbre, voire désormais culte. Ganté en gris clair, moustaches relevées, piquantes, le comte considère la canne qu’il tient en main. Il s’y mire comme dans un miroir, à moins que cette canne ne soit un étrange instrument de musique intérieure… Robert de Montesquiou doit à ce superbe tableau, une bonne part de sa survie iconique.
1899. Il s’installe au Pavillon des Muses à Neuilly.
1901. Publication du recueil de poèmes, Les Paons. Jean Lorrain donne Monsieur de Phocas, roman dont le personnage central reprend quelques « manières » du comte. Robert de Montesquiou ne s’en afflige qu’à moitié. Ce n’est plus la première fois. Jean Lorrain et le comte ont eu des relations compliquées… entre brouilles, déceptions réciproques, fréquentations distanciées… Lorrain était alors le critique le plus craint et le plus vipérin. Il n’a pas hésité à moquer tous les « petits Kiou-Kiou », à savoir toute la jeunesse lettrée qui tournait autour de Montesquiou, dont Proust. Robert, lui, ne pouvait encadrer les « yeux de batraciens » de ce Lorrain « à l’anatomie boursoufflée »… Etc. Les hostilités débutèrent quand Montesquiou refusa à Lorrain le plaisir de lui dédier un recueil de poèmes.
1903. Voyage aux Etats-Unis avec Yturri. Il en profite pour donner des conférences. Succès.
1905. Mort de Gabriel de Yturri. Peine immense de Montesquiou. C’est la fin d’une époque. Proust publie un fameux article du Montesquiou, intitulé « Un professeur de beauté », dans la revue Les Arts et la vie.
1906. Il donne une longue conférence sur Gustave Moreau, à la galerie Petit, à Paris.
1907. Publication d’Altesses sérénissimes, recueil d’articles et proses diverses. Il revoit Proust qu’il n’a pas revu depuis deux pleines années.
1908. Il rencontre la princesse Bibesco, femme de Lettres françaises, d’origine roumaine. Son livre Au bal avec Marcel Proust (1928) est régulièrement réédité.
1909. Montesquiou s’installe au Vésinet, dans le Palais rose. Il s’enthousiasme pour les Ballets russes. Ida Rubinstein devient son amie. Il donne un nouveau recueil d’articles, Assemblée de notables, que la Critique ignore, comme à peu près tout ce que le comte publie désormais. Montesquiou en souffre. Sa gloire littéraire s’éloigne au fur et à mesure qu’il publie…
1910. Paraît son premier roman, La Petite mademoiselle. Insuccès.
1913. Marcel Proust publie enfin le tout premier volume d’A la Recherche du temps perdu : Du côté de chez Swann. Montesquiou se reconnaît dans le baron de Charlus, à quelques traits évidents. Il s’en agace, d’autant que bien d’autres mondains et autres personnalités du « meilleur monde » le reconnaissent aussi…
1914. Guerre mondiale… Montesquiou va d’abord sur Trouville, avant de partir plus au sud, se réfugier dans son château de Courtanvaux, ancienne demeure de D’Artagnan.
1919. Prix Goncourt pour A l’ombre des jeunes filles en fleurs, roman de Proust. Montesquiou le jalouse et l’admire à la fois. Il aurait aimé goûter à cette gloire littéraire. Il rend visite à Marcel une dernière fois. Il ne lui parle que de ses poèmes qu’il lui récite…
1921. Publication d’Elus et appelés, recueil d’articles. Il achève ses mémoires. Enfin, le 11 décembre à Menton, il succombe à une crise d’urémie. Le 21 décembre, il est inhumé au cimetière des Gonards (à Versailles), aux côtés de son bien aimé Gabriel de Yturri. Seront publiés de manière posthume ses mémoires (Les Pas effacés) et un roman, son deuxième, La Trépidation, scènes de mœurs mondaines. Si toute son œuvre (ses poèmes comme ses essais) tombe dans l’oubli, son personnage de dandy, qui inspira bien des peintres et des romanciers, lui survit, et même, devient culte, en tout cas, incontournable à qui prétend analyser ou évoquer le dandysme, cette fête spirituelle et vestimentaire de la personne.